« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

BÉNI SOIT LE SERPENT


 

 

La poésie veut quelque chose d'énorme

de barbare et de sauvage

DIDEROT

 

 

Tous les endroits que je visite

existent dans ma mémoire

 

J'y retourne depuis toujours

 

Comme mes ancêtre

j'y cherche l'eau au puits

une cruche sur la tête

 

Je suis juive avec eux

 

Leurs souffrances

s'inscrivent dans mon sang

et coagulent

 

Sur le bord de ma fenêtre

leurs cendres se posent

aujourd'hui encore

 

Chaque nuit j'étouffe sous les tonnes

de leurs cheveux rasés

 

 

Je suis palestinienne avec eux

 

Leur douleur

s'est plantée dans ma poitrine

 

Dans mes artères

s'accumulent leurs pierres

autre mur

de lamentation

 

Lave tes pieds

et quitte ta maison

pour rencontrer l'univers

 

 

L'immensité de la mer

me traverse

 

Elle déborde

de mes souliers

 

 

Lorsque la mer vocifère

comme un vieux curé de campagne

 

J'enfouis mes péchés

dans les coquillages

que nul ne comptera

 

Ton poème est à double sens

Celui qui lit — est lu lui-même

par le poème

 

 

Jamais

je ne serai maître

 

Je resterai ouvrier

 

J'écris comme un esclave

pour acquérir ma liberté

 

 

Je ne trace pas de cercle

je le franchis —

 

Je veux des mots

comme des éperviers

volant

fonçant

ivres de soleil

sanguinaires

sans pardon

 

 

Béni soit le serpent

qui m'apprit la désobéissance

 

Je me purifie

je ne prie plus

 

J'allume le feu de mon enfer

et je chante

 

Je joue avec ma mort

pour la fatiguer

pour l'endormir

comme j'endors Dieu

afin que je vive

sans leur tutelle

 

 

Le Chrst dit :

Celui qui boira mon sang

et mangera ma chair

sera sauvé

 

Lucifer abhorrant la viande crue

alluma un feu pour la cuire

 

Chaque soir

Dieu vient boire

au bord de l'étang

avec le gibier

en attendant

de Se faire abattre

Anise Koltz / Somnambule du jour - Poèmes choisis