« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

DES DIEUX


 

 

     Que croit-on qu'ils croient ? Là, ni croix ni bannière. Le vent pour prophète, la nuit pour dormir. Ils oublient le ciel sur leur tête, ses orages, ses ravages. Le temps, le vent, leurs pas effacent sur-le-champ les lettres de la loi. Ils aiment le Soleil comme une chose nécessaire et le saluent, au sortir de leurs nuits lentes ; mais avec l'heure, ils n'y pensent bientôt plus. La haine et la fureur déforment la face cachée des Dieux : ils tempêtent, depuis leurs mansardes sacrées. Ils maudissent la race, son indifférence. Ils crachent l'anathème… Parfois, l'été, ils n'y tiennent plus, les Dieux : ils envahissent une âme en peine, la rendent folle. Sa bouche est alors leur théâtre, où se démènent l'injure, la plainte et l'obsécration. Mais celui-là, devenu dément, la foule l'étreint, la foule l'éteint comme on souffle une lampe — comme on mouche une mèche qui fume. Peut-être croient-ils mieux au silence ?

Claude Michel Cluny