« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J'INVOQUERAI LE FLEUVE


 

 

Quelqu'un est venu tôt,

Parmi les tournesols,

Laissant dans un panier des citrons et du pain.

Une lueur lointaine — et nulle plus intime

Au-delà des falaises

Indiquait le chemin de quelles transhumances.

Il y avait dans l'air

Un goût de chèvrefeuille.

J'ai marché jusqu'au fleuve — et l'odeur de la laine était un chien

      obscur.

L'autre bord du secret nous a-t-il entendus ?

Quel silence pressent qu'un mystère s'élit ?

Dans cette angoisse même d'un sens et d'un amour,

Cette crainte sous l'arbre, cette fascination de la profonde source

      là-bas, derrière l'aube et derrière la mort,

Dont s'éclairent les bois,

Ce désir d'absolu chargé déjà du sang qui donne ressemblance,

— Ce froid sacré où prend l'inaccessible feu ?

Jean-Claude Renard