« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Avant j'avais le vin heureux





Avant j'avais le vin heureux

C'était un artificier d'éclats de rire

Mais ce n'est plus qu'un artificiel état de repos

 

Sans doute le gris sur la toison emporte-t-il l'insouciance du temps perdu

 

Il y avait parfois un peu d'ivresse

À ne pas s'obstiner

À nommer avec acharnement

Les choses orphelines

 

Mais l'ivresse est grise aussi quand la langue s'épuise à appeler l'état honteux des métamorphoses

 

Avant

 

J'ignorais l'imposture des promesses

 

J'avais la foi sans doute

en sorte d'existence

 

Mais le gris tracé tel un sillon de terre dans les veines du temps peine à germer en monde

 

Alors

J'ai du gris plein la bouche

 

Cendres en plein poumons

 

J'inspire le temps qui reste

 

Las

Du tourbillon risible

Des jours qui mènent à l'effacement

 

La pluie chante le silence sauvage qui m'habite

 

Tam-tam liquéfié où le cosmos m'explose

En mille éclats de gris

 

Miroir kaléidoscopique

 

Reflétant l'infini dans un ébat sans fin.

Annabelle Roussel