« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Goutte


 

 

Les jours où je peux plier les doigts,

Je passe les heures à écrire des vers,

Et quand j’en ai trouvé un bon,

Je me fiche du monde, de la goutte, de la douleur.

 

D’autres jours, je n’arrive pas à écrire.

J’écoute alors celle qui, dans mes os,

Profondément s’étend et continûment s’y glisse.

C’est la mort, mais donnons-lui pour nom la goutte.

 

Je ne l’aime pas, souvent entre nous c’est la bagarre.

Pourtant je sais parfois, quand elle s’occupe de moi,

Qu’elle ne le fait pas méchamment. Son emploi, c’est

      la délivrance,

Et, obéissant, sur un bout de chemin, je la suis.

 

Quand, un jour, nous serons tout à fait réconciliés et

      d’un même avis,

Je ne l’appellerai plus ni la goutte ni la mort,

Je reconnaîtrai en elle la mère éternelle,

En l’amour son appel, et en moi l’enfant.

Hermann Hesse / « Homme perdu, j’ai marché dans de monde »