« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Poèmes des sept tristesses

 




L’anarchie règne dans la capitale de l’Ouest,

Les loups et les tigres y créent des troubles*.

Je quitte de nouveau l’Empire du Milieu,

je vais aux King-man.

Mes parents s’en attristent ;

attristés, mes amis essayent de me retenir.

Je franchis le seuil, je vois

que les ossements humains couvrent la plaine.

Au bord d’une route, une femme affamée

abandonne son bébé dans les herbes ;

malgré les vagissements,

elle ne le reprend pas, mais pleure :

« Moi-même, je ne sais où je mourrai,

comment pourrais-je sauver ma vie et celle de mon enfant ? »

Je précipite mon cheval, fuis l’endroit,

car je ne puis entendre ces paroles.

Vers le Sud, je débarque sur l’autre rive du fleuve Pa,

je tourne la tête pour regarder encore une fois Tchang-nan.

Je pense aux victimes défuntes ;

le cœur serré ; je soupire longuement.

 

 

* rebelles dits Turbans jaunes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Turbans_jaunes

Wang Ts’an (Wang Tchong-siuan) / poèmes des sept tristesses / Premier poème