« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ROMAN


 

 

 

Ce qu’écrivent les enfants sur les trottoirs, signes friables
Pour le ciel qui ne sait qu’attendre entre les marronniers,
Le vent, la pluie et tant de pas indifférents l’effacent, mais
L’écriture secrète un jour devient lisible, et c’est
Brusque, et c’est loin dans une ville où l’ombre des palmiers
Palpe l’asphalte des trottoirs sous la lune friable.
(Alors elle s’arrête à l’angle, et de faibles remous de soie
Creusent la nuit entre la mer et l’ourlet de sa robe.
Sous le fin tremblement des cils lentement s’arrondit
Une première larme où s’incurve un bouquet de palmes ;
Et dans ce corps durci d’amour austère qui fléchit,
La précieuse soie entre la gorge et les entrailles se déchire.)

Jacques Réda / in Un nouveau monde - Poésies en France 1960-2010