« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Être assis, debout, tuer, mourir

 

 




Cette chaise, je la pousse plus loin,

S'accroupir au devant d'un train,

Prudent, escalader un mont,

secouer mon sac dans le vallon,

à mon vieux faucheux donner une abeille,

faire des câlins à une vieille,

manger un merveilleux ragoût,

marcher sur des œufs dans la boue,

poser sur les rails mon chapeau,

tourner autour d'un marigot,

s'asseoir sur son cul, en costume,

rougir dans les bruyantes écumes,

parmi les tournesols fleurir,

ou ne pousser qu'un beau soupir,

une mouche enfin éconduire,

brosser mon livre poussiéreux, -

cracher sur mon miroir au milieu,

m'entendre avec mes adversaires,

les tuer tous, couteau grand ouvert,

observer le sang s'écouler,

voir la fillette s'en détourner,

ou m'asseoir tranquille vent modeste -

mettre le feu à Budapest,

avec des miettes attirer l'oiseau,

jeter mon pain dur sur le carreau,

à ma chérie tirer des pleurs,

dans mes bras prendre sa petite sœur,

et si le monde est le compte que j'en fais

le laisser là, qu'on ne le revoie jamais -

 

Ô toi par qui, tout se noie, se délie,

ce poème à présent s'écrit,

toi par qui l'on sanglote on rit,

ma vie, ô toi, par qui l'on choisit !

Attila József / Ni père ni mère