Noyade
Par domcorrieras, le mardi 20 novembre 2007 - Proses & autres textes - lien permanent
.../...
Et toujours il était assis là, sur son canapé, à contempler le long fragment de cheveu noir qu’il avait dans la main. De toute une imagination qui point ne bougeait. Que rien, pas même une souris n’aurait pu traverser. Parce que c’était maintenant sa vie tout entière qui à ce cheveu se réduisait. Que du reste du monde plus il n’avait la moindre perception et que c’était comme si rien d’autre jamais ne lui était arrivé : rien d’autre que ce bout de cheveu.
Et lors s’était mis à le faire tourner entre ses doigts lorsque soudain il lui échappa, tomba par terre et disparut sur le plancher. Lorsque saisi de panique lui aussi tomba : à genoux. Se prit à le chercher avec l’énergie du désespoir cependant que l’autre point ne consentait à se laisser trouver aussi facilement.
Et déjà, à chercher son bout de cheveu japonais, il se transformait en vieux fou : en vieux fou qui pédale des quatre fers sur un plancher.
Qui, à essayer de le retrouver, en est presque à pousser des hurlements. Parce que oui, c’est bien fou qu’il pense qu’il va devenir, s’il ne parvient pas à le retrouver : et tout de suite.
Même qu’alors — et tout ça pour avoir perdu un morceau de cheveu japonais — ce fut sa vie tout entière qui, telle un éclair, lui passa devant les yeux.
Comme devant ceux d’un homme qui se noie.
Richard Brautigan / Retombées de sombrero