« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

TAUREAU ONIRIQUE

 


 

 

à Pedro Gregório

 

J’imagine le grand taureau onirique

qui hante les rêves de ceux qui dorment difficilement

et refusent les soporifiques

 

Je le vois énorme prêt à charger

il a une tache de sang dans chaque œil

les narines dilatées et un coup de patte sec

résonne sur le toit

tandis que ses artères succombent au poids du sang-mercure

(une pierre de cinq cents tonnes

sur les muscles

et une autre de plomb

qui soupèse le cri)

 

Le taureau avance collé aux pas lents

de celui qui se perd dans une forêt dense

 

Soudain le vertige

la gorge de l’abîme au fond

la sensation de mort…

                        et nous nous réveillons

                        effrayés

 

Puis c’est la conversion du taureau

en toile ou en poème

 

Mais le monstre attend

il réapparaît

après chaque insomnie vaincue

et remplit de cauchemars

les sombres pâturages de la nuit

Arménio Vieira /18 + 1 poètes contemporains de langue portugaise
traductions d’Isabel Meyrelles, Annick Moreau & Michel Riaudel