La mort du dragon
Par domcorrieras, le samedi 30 janvier 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
Lorraine tu ploies sous un ciel tonnant
Sous les haut-fourneaux j’entends les sirènes
Notre éperdument belle souveraine
Nous habille en noir à midi sonnant
L’âcre fumée jaune envahit nos chambres
La grisaille égaie nos mornes saisons
Tous les ouvriers perdent la raison
Quand se revêt d’or la vie de novembre
Des lingots brûlants des coulées de lave
Du fer à frapper tout être qui veut
Remettre à demain cette vie d’esclave
Des griffes de givre en ses blancs cheveux
Sous les ponts-roulants la tendresse rouille
Dans la cuve orange un homme est tombé
L’on entend les chants de Monsieur l’abbé
Une veuve en noir là-bas s’agenouille
L’usine est vendue Les gens sont allés
Retrouver le chant de belles sirènes
En d’autres pays en d’autres Lorraines
S’éteignent les feux dans notre vallée
J’ai troqué mon bleu contre un vieux pourpoint
Je passe mes nuits à guetter l’orage
Mais au petit jour rien ne m’encourage
À battre pavé à lever le poing
(…)
Longtemps le dragon suivit la rivière
Comme un long serpent voulant avaler
La fumée de fer en cette vallée
Un jour le dragon ferma ses paupières
Sur son corps tout chaud sur sa carapace
S’est dévergondé un ogre malin
La liquette brune un air patelin
Le fiel envoûtant le pauvre qui passe
Quand bien même il n’a plus rien à manger
Le dragon surveille encore les anges
Qui ne volent plus au dessus d’Hayange
Demain partiront tous les étrangers
J’ai troqué mon bleu contre un vieux pourpoint
Je passe mes nuits à guetter l’orage
Au petit matin cela m’encourage
N’oublions jamais Je lève le poing
Justin Beausonge / inédit