« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Une pierre

 

 






Je rêve d’une pierre, je rêve d’en connaître l’éclair, je rêve d’en savoir l’origine ;

Je rêve d’une pierre qui dirait l’univers, qui tracerait une ligne depuis les étoiles jusqu’aux lieux où il importe de vivre ;

 

Je la soupèse comme une réponse à mes angoisses de l’hiver ;

Je lui reconnais sa masse et sa forme et sa couleur aux temps attachés ;

J’y vois cette ligne qui traverse les douves par-delà les fissures des instants ;

Je crois que cette droite tirée du ciel est descendue vers la terre pour fourbir des axes qui nous déterminent ;

 

La pierre est venue là, attisée par le feu des étés où s’échouent les oiseaux ;

Et autour de cet axe gravitent mes pensées ;

Quelles seront mes errances ?

 

La terre, pourtant, la terre ne gravite pas sans raison

Et la pierre, cette pierre, unique dans l’horizon

Est un amer pour l’homme en dérive ;

Est un signe de la présence, maintenant, ici, de la conjonction des astres et des hommes ;

Pour dire aux hommes l’inscription des âmes dans l’espace ;

 

Oui, une mesure a comblé, ici, la présence d‘un homme au creux de son travail ;

Oui, les cadastres ont dessiné pour nous, une ligne réfléchie qu’il nous somme d’instruire ;

Oui, sur ces montagnes proches de l’homme, l’homme a prescrit une marque ;

Sinon l’espace serait trop grand, sinon les hommes se perdraient ;

 

 

…/…

 

 

 

 


 

Bernard Fournier / Promesses / Une pierre (extrait)