« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

VANVES

 

 






Je te revois, vieille espérance, qui surnages,

Rose, le samedi déjà presque achevé,

Sur la foule retour de quelque B.H.V.,

Autour de l’ancien métro Petits-Ménages.

 

Tu te retires vers le Mont Valérien,

Comme autrefois quand on séchait le réfectoire

Pour relire ces vers qui ne nous valaient rien

Et qui cherchaient le sens et la fin de l’histoire

 

Où me voici, toujours entre l’ombre des mots

Et les jardins que la télé désormais vide

À l’heure où chaque rue offre au marcheur avide

D’aller seul, un désert que hantent ses jumeaux.

 

Car je ne vous crains pas, fantômes, au contraire.

À mesure les ans ne m’auront dédoublé

Que pour m’alléger davantage, me distraire

Du souci d’être l’un ou l’autre. Il m’a semblé

 

Vous surprendre au hasard de ce long soliloque

Où je m’entends parfois causer avec l’oubli,

Cependant que mon œil à présent affaibli

Fait d’un vase une tête, un rôdeur d’une loque

 

Et me confond avec le rose essentiel

Du soir qui refleurit aux vitres du lycée,

Comme si tant d’ardeur obscure dépensée

En vain, se rassemblait pour éclairer le ciel.

Jacques Réda / Lignes 323 / Hors les murs