« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le jardinier d'amour-LIII

 

 

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Pour­quoi, d’un regard, me ren­dez-vous con­fus ?

Je ne suis pas venu en men­diant.

Je n’ai sta­tionné qu’une heure au bout de votre cour, der­rière la haie du jar­din.

Pour­quoi, d’un regard, me ren­dez-vous con­fus ?

Je n’ai pas cueilli une rose de votre jar­din;

Je n’y ai pas pris de fruit.

Je me suis hum­ble­ment abrité dans l’ombre du sen­tier, où tout voya­geur étran­ger peut s’arrê­ter.

Je n’ai pas cueilli une rose.

Oui, j’étais fati­gué et la pluie tom­bait.

Le vent pleu­rait dans les bran­ches agi­tées des bam­bous.

Les nua­ges cou­raient dans le ciel comme un bataillon en déroute.

J’étais fati­gué.

Je ne sais si vous pen­siez à moi, ou qui vous atten­diez sur le seuil.

Des éclairs brillaient dans vos yeux guet­teurs.

Com­ment pou­vais-je savoir que vous me voyiez dans la nuit ?

Je ne sais si vous pen­siez à moi.

La jour­née est finie; la pluie a cessé.

Je quitte l’ombre de l’arbre au bout de votre jar­din et le banc sur l’herbe.

La nuit est venue; fer­mez votre porte. Je con­ti­nue ma route; la jour­née est finie.

Rabin­dra­nath Tagore / Le Jar­di­nier d’amour / LIII