« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Printemps de la nuit


 

 

En cette nuit d'Avril où j'attends le sommeil, 

Je vois, comme s'il me fallait mourir,

une campagne sous la lune.

L'odeur des tilleuls est celle du premier amour,

et leur dôme ressemble à celui des montagnes.

Cette route est la plus ancienne;

la route de nos premiers pas.

C'est la plus lisse, la plus bleue.

Celle des promenades après le mois de Marie,

- le premier bouton de rose sur un corsage plat de fillette,

celle où les près ont tant de narcisses

que leur parfum semble l'odeur même des étoiles.

Si l’on clôt les paupières, on entend respirer les herbes,

et l'on sent - tant la nuit est douce -

des présences, comme une évidence.

Nous portons nos amours comme une femme enceinte

qui referme ses mains sur le cœur d'un enfant.

Pourquoi être surpris devant ces paysages

qui nous troublent parfois comme de chers visages

que nous reconnaissons sans les avoir connus...

Ceux qui nous aimaient nous ont portés sans doute toute une nuit d'été,

dans un pays où seule la campagne était endormie.

Maurice Fombeure