« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le luxe a vaincu Rome


 

 

Le luxe a vaincu Rome, et, sous d'indignes lois,

La mollesse asservit la maîtresse des rois.

Jadis, sous l'humble chaume, en des vases d'argile,

La faim assaisonnait un mets simple et facile.

Sous des lambris dorés, et dans un seul repas,

L'un dévore aujourd'hui les fruits de vingt climats.

Pour lui Chio mûrit sa liqueur purpurine ;

La poule numidique enrichit sa cuisine ;

L'oiseau cher à Junon, si fier de son éclat,

S'engraisse pour flatter son palais délicat ;

Que dis-je ? la cigogne, aimable voyageuse,

Vient orner à son tour sa table somptueuse.

L'autre voit sans courroux, chez vingt adorateurs,

Sa femme promener ses lubriques ardeurs.

Le digne époux ! aussi, voyez comme elle brille !

La perle orne son front, l'émeraude y scintille ;

Un voile transparent, de ses secrets appas,

Dessine les contours, et ne les cache pas.

Mais ces tissus, Phryné, gênent encor la vue :

Ose enfin au public te montrer toute nue !

 

………………

 

Luxurie vieta Martis marcent mœnia.

Tuo palato clausus pavo pascitiu,

Plumato amictus aureo Babylonico ;

Gallma tibi Nuinidiea, tibi gallus spado,

Ciconia etiam grata, peregrina , hospità,

Pietaticultrix, gracilipes, crotalistria,

Avis, exsul hiemis, titulus tepidi temporis,

Nequitiæ nidum in cacabo fecit meo.

Quo margarita cara, tribacca, ac Indicà ?

An ut matrona, ornata phaleris pelagiis,

Tollat pedes indomita în strato extraneo ?

Smaragdum ad quam rem viridem pretiosum vitrum ?

Quo Carcliedonios optas ignés lapideos,

Nisi ut scintillent ? Probites est carbunculus.

Æquum est, induere nuptam ventum textilem,

Palam prostare nudam in nebula linea ?

Pétrone / Le Satyricon - chapitre LV (extrait)
traduction de Charles Héguin de Guerle