« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

AU MUR DE L'ATLANTIQUE


 

 

à Juliette Delavis

ma mère

 

 

j'ai peut-être oublié tous mes yeux dans la mer

venue comme un ancien pressentiment d'étoiles

une femme soudain m'a donné son visage

qu'elle semblait avoir ramassé dans les cendres

 

il m'arrivait d'avoir des dimanches de vagues

j'écoutais sur le sable de vieilles détonations

les femmes portaient des masques pour allumer l'aurore

et je dilapidais l'obscurité des mondes

 

les maisons fortes tombaient lentement dans la mer

un enfant commandait à un feu invisible

et je voyais rouiller des hommes privés de gestes

 

les femmes recouvraient le visage des jours

elles roulaient dans leurs doigts un peu de ciel rouge

avec les yeux ouverts dans les plis de la mort

Tristan Cabral / Le passeur de silence