« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Lorsque je serai aveugle et décati


 

 

Lorsque je serai aveugle et décati

Que de mes trous de nez des orvets

D'hallucinantes fumées en arabesques

Dessineront sur le velours fripé de mes joues

Les lourdes ornières des mes ans usés

Que je verrai enfin s'ouvrir la fenêtre

 

Par où m'envoler vers les contrées inouïes

Celles-là si haut tissées par toutes nos pluies

Celles-ci toutes de nuits rivées au chant des ides

Calendaires de crépuscules songeurs

Dans l'or et les bleus d'un éveil stupéfié

Quand battent de l'émoi les moissonneuses

 

Quand les cancans des vents sournois

Une bonne fois pour toutes se seront tus

Qu'il n'y aura plus que rires ailés et frais

Cristallins de pupilles ravies au clair du jour

Pour peindre l'amour sur un coin de matin

Dans l'attente fébrile de mutines minutes

 

Quand tintera le glas du sombre coucou

Libérant les ombres poussives d'un cœur

Épuisé d'avoir tant rougi à l'ouvrage

Des forges voraces de la vie

Qu'il sera l'heure du rendez-vous

Au dernier hôtel de passe

 

Et bien j'irai indolent m'allonger

Comme un vieux chien mouillé

M'assoupir près du bon feu

De la Grande Cheminée

Dom Corrieras / Maizières-lès-Metz, janvier 2021
Illustration : Avec ma fille Léa-Nunzia - photo Serge Corrieras