« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE MUR


 

 

Je fus un mur et je connus la pioche

Qui détruisait mes pierres, mon ciment.

Jadis le lierre venait à ma rencontre

Et comme un chat grimpait sur mes épaules.

Je fus un mur, inutile sans doute,

Ne limitant domaines ni prisons.

 

Un grand mur libre et n'ayant que le vent

Pour ennemi facile et doux à vaincre.

J'entends les coups, je sens le pic immonde

Qui fait crier mon silence et mon jour,

Mais je me tais, je retourne à la terre.

 

J'aimais le soir converser avec l'arbre

Et voyager avec l'oiseau moqueur.

De l'un à l'autre il portait des paroles

Où tout n'était que tendre liberté.

 

Qui portera dans le temps témoignage

Du fusillé qui dormit contre moi ?

En partageant avec lui quelques balles,

Son sang devint un peu de ma lumière.

Robert Sabatier / Icare et autres poèmes
photo Alexandre Marchi