« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L'ÉCOLE DE L'IVRESSE


 

 

Sous le géant soleil de mes jeunes ans de gloire

de paons fastueux et encore de soleil aventure d'or

d'école buissonnière brûlant crime adorable

de pintades et de greniers tempes solitaires complices

enfants de candides dupes royales

je cueillais avec nausée l'odeur de lange

sur la manche de laine du cuistre

et le réthoricien accompagnait ses œuvres

sept simiesques générés dans l'ennui

quand le dimanche, raide tatillon

il escortait la bouffonne mappemonde

rejeton fille d'un large pédant quinteux

vingt chevrons et tout étoiles

 

Je te connaissais mon Dieu

que louaient les corolles et les ailes

tu n'étais pas procréateur de maîtres

ni de leurs travaux d'éleveurs responsables

tu étais l'ineffable, le misanthrope

comme moi l'ennemi des hommes prolifères

comme j'étais le contempteur des matricules

des identiques aux relents quotidiens

de pupitre d'encre rouge, de lessives napolitaines

Tu étais l'ineffable

où chantaient pour toi seul le merle et la grive

et tout ce que j'aimais

avait été créé pour toi

pour ta joie d'exilé

que je comprenais dans mon cœur naissant

tu ne portais ni chaîne ni férule

c'est ta noble tendresse pour moi seul

pour moi seul

qui me guidait dans les sentiers, les plaines sans pistes

mystères dévoilés à l'ouïe de l'âme

confidences comme le vol diurne

de l'oiseau muet, chouette de la nuit

et c'est aussi ta vénération

qui tendrement portait l'oiseau de sagesse

sur la soie des ailes silencieuses

de l'école d'ivresse, l'école buissonnière

 

Je savais que c'était toi

qui m'enseignais de repousser la main du pion

qui me bénissais quand dans d'autres ans

je quittais, bondissant équestre, la ville

n'y revenait que toute bourse tarie

Tu haïssais le binocle et la bave oratoire

et tous ces traîtres qui m'enfermaient

avec des singes, des poux, un christ en croix

qu'ils proposaient impudemment

à mon supplice d'écolier

 

Et maintenant mon Esprit d'oraison

je sais que c'était toi

qui infiniment d'un remède innommable

gonflait mon cœur de sérénité

et moi debout j'étais le prototype de l'espoir

dans les taillis enchantés

de mon idéal accessible, de mes rêves de victoire

de ma rébellion, enfant des dieux du combat

de mon immortelle école buissonnière

 

Je mettais en ta beauté

la représentation de mon univers concevable

les lis d'enfance dont nul jamais

n'illustra tes images impérieuses adorables

et j'ignorais vos cathédrales d'architecture

ô gentils oints des douces superstitions

et cette eau lustrale qui vous sépare des maux

je mettais en ta beauté les lis d'enfance

Sous terre je creusais une tanière

je l'ai dit, c'était un enfant de dupes candides

je prévoyais les souterrains où se cache la lumière

l'humus tonique, les larves et les feux

qui bâtissent l'esprit dressé vivant

Il est vrai l'armure était de bronze encore

à volutes et ciselures il est vrai

dans mes ans de primevères triomphales

Je connaissais peut-être alors les âmes

dans mes jeunes ans défiant falaises, précipices

déjà peut-être je connaissais

les roses rouges de l'hallucination

l'aigle et la vipère des promesses

les âmes qui éclosent dans l'enfer

jettent l'huile et le fagot sur l'incendie

 

Le pur vaste espoir

avait les dimensions des cieux et des planètes

qui du front se touchaient dans mon cœur

Et pourtant, certainement pourtant

une arène de hautes flammes

protégeait mes lis d'enfance

Je sais maintenant que c'était toi

qui avançais à ma rencontre

compagnon, présence indéfectible

 

 

 

Février 1949

 

Jean de Boschère / Dressé, actif, j'attends