« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

POÈMES DU MATIN

 




 

     Le matin rassemble ses terres échappées et

concentre l'élasticité de ses argiles blondes.

     Les femmes se posent dans la transparence

des verres, signes anonymes de cristal dur dans

le vitrail d'aurore.

     Il y a quelque part comme un grand bruit de

verrière remuée. Les vitres d'air glissent vers

les dalles porcelaines des terres plates.

     Puis le soleil de quartz rouge s'élabore dans

les volumes d'ambre et les miels mobiles.

 

 

     Le matin ouvre ses bras de luzernes fleuries

et fraîches et prend nos yeux dans ses mains

mouillées.

     D'étranges yeux agricoles comme une terre

douce sous la coupe soyeuse et régulière des

fourrages.

 

 

     Et le soleil de matin est un végétal de

lumière et de verre comme une pulpe prolixe

d'orange douce.

     C'est comme une fête d'anges dans un fruit

de lumière.

     Le matin s'ouvre vers le soleil par des couloirs

de lumière et des galeries d'herbes hautes.

     Les arbres de braise verte deviennent des

châteaux d'espace où l'air forge ses passerelles

de verre.

     Nos pas agiles libèrent la pensée dans la fraîcheur

chantante du soleil.

 

 

     Matin d'eau. Les vendanges versées dans

l'air.

     Matin d'eau douce et les brumes en gilets de

laines lâches sur les toits.

     Le corps lentement se démêle de la nuit et

dénoue ses nœuds de désirs.

 

 

     Il faudrait parler comme un enfant regarde.

James Sacré / Relation - Essai de deuxième ancrit (1962-1963; 1996)