« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ode à Joy


 

 

À ce jour, bien trop d’exorcisme, d’incantations,

de chants t’ont été dédiés par des hommes,

ainsi au sujet de tes cheveux épars, quand

 

les mains du vent les attachent, les torsadent

puis les ébouriffent comme le cour de celui qui te loue.

Mieux vaudrait donc que je me taise, mais voilà :

 

il y en toi une façon terriblement féminine

de me faire tourner la tête dans le sillage

de tes hauts talons perfides, semblable

 

au chavirement de mes pensées

dans l’enjambement, ou encore au séjour

de mes sentiments dans un désir lubrique

 

sous la magie de la formulation —

gare ! nous voici à déjà épier l’endroit

ombragé où je veux m’étendre, la source

 

d’où jaillit la vie, mon trésor… en effet,

là-bas, entre tes cuisses, à l’orée de ta jupe.

Et puisque, coquette, tu retouches tes lèvres :

 

tu auras sans doute remarqué que le rouge,

en cela pareil à la bite d’un chien, émerge

d’un prépuce. Oui, ma biche, tout se résume au sexe.

 

et nous, bonshommes qui déclamons, de sublimer.

À l’église de la Sainte-Émancipation, là où, asexués,

les sexes se côtoient, accorde-nous ton pardon…

 

Bon, d’accord, je me tais. Mais remémore-toi

ton hymen en train de se déchirer :

quand Joy sourit, le service de mariage se brise.

Benno Barnard / Le service de mariage
traduit du néerlandais (Pays-Bas) par Daniel Cunin