« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Toi ma laide, tu es une châtaigne hirsute


 

 

XX

 

Toi ma laide, tu es une châtaigne hirsute,

toi ma belle, tu es belle comme le vent,

ma laide, de ta bouche on en peut faire deux,

ma belle, tes baisers sont des pastèques fraiches.

 

Ma laide, tes deux seins, où les as-tu cachées ?

Ils sont petits, petits, c’est deux coupes de blé,

quand j’aimerais voir deux lunes sur ta poitrine :

les tours géantes de ta souveraineté.

 

Laide, en sa boutique la mer n’a pas tes ongles,

belle, fleur après fleur, étoile par étoile,

vague par vague, amour, moi j’ai compté ton corps :

 

ma laide, je t’aime pour ta ceinture d’or,

ma belle, je t’aime pour la ride à ton front,

mon amour, j’aime en toi le clair avec l’obscur.

Pablo Neruda / La centaine d’amour