« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

passait


 

 

*

 

passait

entre chien et loup

comme un chien triste

comme un loup malade

l’allumeur de réverbères

il était manchot

dans la main du bras valide

tenait un bâton

qui servait

par je ne sais quel mécanisme

de clé de manivelle

à allumer les réverbères

 

passait

le boulanger avec son tricycle vert

un lourd bahut rempli

de pains grands et de petits pains

portait béret basque

givré de farine

était toujours je me souviens

de bonne humeur

 

passait

le laitier avec son litre de laiton

verser le lait dans nos cruches

parlait toujours très haut

parlait je ne sais plus de quoi

du temps qui passe

du lait qui tourne…

 

*

 

rien ne surgit de mon enfance

que ces images banales et désuètes

quand d’autres évoquent leurs verts paradis

je ne retrouve que les réverbères d’antan

les boniments du laitier

le sourire niais d’un tricycliste

 

et la stridence des hirondelles

les soirs de juillet

 

*

Lambert Schlechter / Ruine de parole (extrait)