« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ballade des proverbes


 

 

Tant gratte chèvre que mal gît,

Tant va le pot à l’eau qu’il brise,

Tant chauffe-on le fer qu’il rougit,

Tant le maille-on qu’il se débrise,

Tant vaut l’homme comme on le prise,

Tant s’éloigne-il qu’il n’en souvient,

Tant mauvais est qu’on le déprise,

Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

 

Tant parle-on qu’on se contredit,

Tant vaut bon bruit que grâce acquise,

Tant promet-on qu’on s’en dédit,

Tant prie-on que chose est acquise,

Tant plus est chère et plus est quise,

Tant la quiert-on qu’on y parvient,

Tant plus commune et moins requise,

Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

 

Tant raille-on que plus on n’en rit,

Tant dépent-on qu’on n’a chemise,

Tant est-on franc que tout y frit,

Tant vaut « Tiens ! » que chose promise,

Tant aime-on Dieu qu’on suit l’Église,

Tant donne-on qu’emprunter convient,

Tant tourne vent qu’il chet en bise,

Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

 

Tant aime-on chien qu’on le nourrit,

Tant court chanson qu’elle est apprise,

Tant garde-on fruit qu’il se pourrit,

Tant bat-on place qu’elle est prise,

Tant tarde-on que faut l’entreprise,

Tant se hâte-on que mal advient,

Tant embrasse-on que chet la prise,

Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

 

Envoi

 

Prince, tant vit fol qu’il s’avise,

Tant va-il qu’après il revient,

Tant le mate-on qu’il se ravise,

Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

François Villon