« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

MYSTIQUE


 

 

L’air est tissé d’hameçons,

Zébré de questions sans réponse,

Comme des taons, étincelants, saouls,

Dont les baisers virulents brulent

Dans le ventre fétide et noir de l’air d’été sous les pins.

 

Je me souviens

De l’odeur morte du soleil sur le bois des cabines,

De la raideur des voiles, des longs linceuls de sel.

Dès lors qu’on a vu Dieu, quel remède ?

Dès lors qu’on est monté au ciel

 

Sans avoir rien laissé de soi,

Pas un doigt, pas un os — usé

Jusqu’à la moelle, usé dans les brasiers du ciel,

Les traînées rayonnantes autour des cathédrales —

Quel remède ?

 

Le cachet à prendre à la Sainte Table,

La marche au bord des eaux ? La mémoire ?

Ou l’art d’assembler les reflets du Christ

Sur le faciès des rongeurs,

Radoteurs, gobeurs de bluettes

 

Aux espoirs si bas qu’ils en sont confortables —

La bossue dans sa maisonnette

Aux petits murs blancs sous les clématites.

Et nul grand amour, rien que la tendresse ?

La mer se souvient-elle

 

De celui qui marchait sur elle ?

Le sens découle des molécules.

La vitre sue, les cheminées respirent sur la ville,

Les enfants sautent sur leurs lits.

Le soleil fleurit, c’est géranium.

 

Le cœur ne s’est pas arrêté.

Sylvia Plath / Arbres d’Hiver
traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau