LA BLESSURE ET LA MORT
Par domcorrieras, le lundi 29 juillet 2019 - Poèmes & chansons - lien permanent
A cinq heures de l’après-midi.
Il était juste cinq heures de l’après-midi.
Un enfant apporta le drap blanc
à cinq heures de l’après-midi.
Une couffe de chaux toute prête
à cinq heures de l’après-midi.
Le reste était mort et rien que mort
à cinq heures de l’après-midi.
Le vent emporta les cotons
à cinq heures de l’après-midi.
Et l’oxyde sema cristal et nickel
à cinq heures de l’après-midi.
Luttent la colombe et le léopard
à cinq heures de l’après-midi.
Une cuisse avec une corne désolée
à cinq heures de l’après-midi.
Le bourdon se mit à sonner
à cinq heures de l’après-midi.
Cloches d’arsenic et fumée
à cinq heures de l’après-midi.
Au coin des rues, groupes de silence
à cinq heures de l’après-midi.
Et le taureau avec son cœur debout !
à cinq heures de l’après-midi.
Quand vint la sueur de neige
à cinq heures de l’après-midi.
quand la plaza se couvrit d’iode
à cinq heures de l’après-midi.
la mort mit des œufs dans la blessure
à cinq heures de l’après-midi.
A cinq heures de l’après-midi.
A cinq heures juste de l’après-midi.
Un cercueil sur roues sert de lit
à cinq heures de l’après-midi.
Ossements et flûtes sonnent à son oreille
à cinq heures de l’après-midi.
Déjà dans son front mugissait le taureau
à cinq heures de l’après-midi.
La chambre s’irisait d’agonie
à cinq heures de l’après-midi.
Au loin vient la gangrène
à cinq heures de l’après-midi.
Trompe d’iris dans l’aine verte
à cinq heures de l’après-midi.
Les plaies brûlaient comme des soleils
à cinq heures de l’après-midi.
et la foule brisait les fenêtres
à cinq heures de l’après-midi.
Ah ! terribles cinq heures de l’après-midi !
Il était cinq heures à toutes les horloges !
Il était cinq heures d’ombre de l’après-midi !
Federico García Lorca / Chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías
traduction de Pierre Darmangeat