« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LA TRAVERSÉE


 

 

Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier

     découpé, noires.

Jusqu’où s’étendent les arbres noirs qui s’abreuvent

     ici ?

Leurs ombres doivent couvrir le Canada.

 

Une petite lumière filtre des fleurs aquatiques.

Leurs feuilles ne souhaitent pas que nous nous

     dépêchions :

Elles sont rondes et plates d’obscurs conseils.

 

Des mondes glacés tremblent sous la rame.

L’esprit de noirceur est en nous, il est dans les poissons.

Une souche lève en signe d’adieu une main blême ;

 

Des étoiles s’ouvrent parmi les lys.

N’es-tu pas aveuglé par de telles sirènes sans regard ?

C’est silence des âmes interdites.

Sylvia Plath / La traversée