« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Marx parle

 

 

 

 

 

Quand l’Ouest s’éclaircit

je regarde parfois les fleuves d’argent :

ils couvrent le rivage de leur écume,

inondent le pays encore sec.

La dictature du bavardage m’amuse,

elle se fait payer

comme théorie de la société,

si j’en crois les informations

venues d’en bas. Je vais bien.

Parfois je vois Dieu. Il a l’air bien reposé.

Non sans humour,

étonnamment versés dans la dialectique, nous parlons

de questions métaphysiques.

Il m’a récemment demandé l’édition

de mes Œuvres complètes,

il prétendait ne les trouver nulle part.

Ce n’est pas que je veuille y croire, a-t-il dit,

mais cela ne peut pas nuire.

Je lui ai donné mon exemplaire personnel, le dernier

de l’édition bleue avec commentaires.

Il est plus cultivé que je ne pensais,

la théologie l’ennuie, la déconstruction :

il jette du sable dans sa mécanique, la psychanalyse :

il la tient pour une absurdité et ne la met pas

à la bouche. Ses préjugés sont étonnants.

À Nietzsche, par exemple, il pardonne tous

ses revirements les plus fous mais Hegel

lui est insupportable. De son projet

sa timidité l’empêche de parler. S’il vous plaît,

a-t-il dit récemment après avoir longuement regardé

la Terre, s’il vous plaît tenez-vous prêt.

Michael Krüger / Wettervorhersage
traduit de l’allemand par Michèle Cohen-Halimi