« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

solution alcoolique

 


 

 

 

qu’est-ce qui se détachait dans le trémolo

des bières du fond de la langue et comme du sperme

cherchait à s’écouler, bouchait dent après dent

et laissait ta muqueuse désespérer dans ta bouche fermée

de ta propre surdité ?

tu es liquide comme un roi du loto, mais tu

ne le sais pas encore. avec tes lèvres bleues tu avales

le truc dissous qui passe dans ta gorge,

ça t’écœure. ta vie, toute déformée

par les escarres de l’attente, fait un coude

dans la réserve aux boissons, dans le tiroir secret

de la léthargie. tu y ranges ton génome

et t’exerces au coït réservé et à une toux croupeuse…

l’été, né après terme, ouvre son laboratoire

et t’avale, toi le fantoche de la patience,

la drosophile de la nuit à la bière noire. qui se chargera

maintenant de tes dettes d’impôts ? de l’explosif — des épisodes

oubliés ? du lapsus amour ? et du portable temps,

que tu portais dans ton costume comme une poupée morte et décrivais avec des mots pris dans le off ?

tu sues, l’exsudation te transforme en poisson néon,

et devant la déchirure de la pellicule inquiet tu scintilleras.

au cas où quelqu’un te cherche il te trouvera endormi,

une vieille nappe sous ta tête lourde

et sur tes genoux le leporello de tes années vécues

dissous dans le trémolo des bières.

Kathrin Schmidt / Go-In der Belladonen
traduit de l’allemand par François Mathieu