(Santa Cruz — Pelotas)
Par domcorrieras, le vendredi 8 mai 2015 - Poèmes & chansons - lien permanent
1
on servait à manger dans des écuelles en fer
des enfants accouraient on croyait une école
ils vendaient du café des viandes et du riz
sur les talus auprès des rails des feux brûlaient
les femmes y cuisinaient le manger à nous vendre
des cochons maigres et bruns couraient entre les roues
quêtant du groin pour ramasser quelque déchet
les chiens se risquaient à grimper dans les voitures
on les chassait ils s’enfuyaient avec terreur
puis la loco soufflait le charroi s’ébranlait
et à travers la brousse on voyait les oiseaux
remonter et tourner au fond du ciel de plomb
alors le grand Teuton se remet à jurer
les deux tapettes en salopettes se recouchent
s’endorment en s’appuyant d’une tête sur l’autre
et les Indiennes arrimées aux paquets surveillent
si quelqu’un ne vient pas y voler leurs trésors
2
il y avait dans le wagon de jeunes Allemands
dont un très grand à longs cheveux qui criait merde
merde merde tout le temps pestait et jurait
contre le coup d’État et la lenteur du train
il bravait les soldats puis s’endormait d’un bloc
en prenant pour lui seul la place de trois autres
les Indiens au plancher accroupis contemplaient
très effrayés cette blondeur venue d’ailleurs
ils n’osaient pas lui demander de se bouger
un peu pour eux il ronflait comme un porc et tout
le train résonnait de ses ronflements parfois
en pleine nuit le convoi s’arrêtait des gens
grillaient des viandes au long des voies on vendait du
café dans des bols en plastique et ceux qui
s’étaient étendus sur les wagons de marchandises
transpercés par la pluie dans leur sommeil vibrant et noir
… / …
William Cliff / America / Cône Sud (extrait)
Photo Alice Piemme