« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

DIT DU PÈLERIN

 

 

 

 

Est-on certain
Que le prochain décembre
Sera si blanc que celui-ci


Et quand bien même


Qui d'entre nous
Pourrait se détourner sans larmes
De ces lieux


Qui solderait la proie
Pour l'ombre




Qu'à ce pèlerin
Dont l'horizon toujours renouvelé
S'efface


Qu'à ce pèlerin
Que toujours meurtrit
Un liseré entre ciel
Et collines
Quand de bas en haut
L'éclair des oiseaux
Varangue la barque du ciel




Qu'à ce pèlerin
Passager clandestin sur la terre
Dont l'âme s'écorne au temps


Comme d'un livre
Les pages
— car c'est toujours aux mêmes images
que nous revenons —
Tandis que les enfants célèbrent
En leurs rires
D'avoir mis le soleil
Entre leurs doigts




Qu'à ce pèlerin
Que la nuit pressentie
À la clarté des sons
Aux glissements des ombres
Recueille
Comme la feuille
Les mots déchiquetés




Soient données


O regard qui se dérobe
Dans l'orgie de la lumière


Limpide
La demeure


Et les clés du séjour

Jean-Marie Barnaud : Poèmes 1 (extrait)
Photo : Le compositeur Yves Prin avec Jean-Marie Barnaud