« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ENFANT AU GENOU ÉCORCHÉ


 

 


 

Enfant au genou écorché

Tête tondue rêve échevelé

Tablier aux ancres croisées

Bras du pin langue du poisson

Petit frère du nuage !

 

Près de toi tu as vu blanchir un galet mouillé

Tu as entendu siffler un roseau

Tu as connu les paysages les plus nus,

Les plus colorés

Tout au fond la promenade comique de la sargue

Tout là-haut le chapeau de la petite église

Et tout là-bas un bateau aux cheminées rouges.

 

Tu as vu la vague des végétaux que dérobait la brume

Le bain matinal de la feuille du figuier de Barbarie

Le petit pont au tournant du chemin

Mais aussi le sourire sauvage

Dans les grands battements des arbres

Dans les grandes oliveraies de la noce

Là où les jacinthes versent des larmes

Là où l’oursin résout les rébus de l’eau

Là où es étoiles annoncent la tempête

 

Enfant au genou écorché

Colifichet fou menton têtu

Petit pantalon azuré

Torse de roche lys de l’eau

Garnement du blanc nuage !

Odysseas Elytis / Soleil premier, 1943 (extrait)