« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Constat en prose décousue


 

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Chaque année, chaque cycle

Je me dis :

Enfin je vais m’occuper de moi-même

Je me retape je me recycle

Et chemin faisant…

De mes tentes dressées le long des tordus parcours

Sortent des chants comme des règles,

Rappels de mes déboires, fiascos de mes détours

 

Harmonie illusoire

Frêle synchronie de mes pas lourds

Je redeviens l’apollon vissé au sol

A la merci des regards des femmes déçues

Je redeviens l’insoumis sans boussole

Insensible aux rendez-vous perdus

Je redeviens la Putain aveugle

Dont les hommes ne cessent de déchiffrer le langage

Et les tatouages décousus

Je redeviens Léon le Numide

Ex redresseur de torts, de Tlemcen à Rome

Aujourd’hui Lambda visible de Gibraltar à Oslo

Je redeviens Melquiados, attendu dans les chaumières

Et les vergers mal entretenus

Où des enfants ont toute l’année peur et froid

Je redeviens une potion de contrebande

Accessible mais peu rassurante

Je redeviens le sel que j’ai déjà été

Présent à chaque retour de saison

Dans les baluchons des caravanes têtues

Je redeviens le son de la flûte

Demeurée triste depuis la capture de Jughurta

Invariable depuis le règne paisible de Tin Hinan

Comme un rayon de lumière

Posé sur le coin d’un vieux piano

Orphelin, délaissé et poussiéreux

Kader Rabia