« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ÉLOGE À LA TERRE

 

 

 

 

 

 

Je te salue, ô terre, ô terre porte-grains,

Porte-or, porte-santé, porte-habits, porte-humains,

Porte-fruits, porte-tours, alme, belle, immobile,

Patiente, diverse, odorante, fertile,

Vêtue d’un manteau tout damassé de fleurs,

Passementé de flots, bigarré de couleurs.

Je te salue, ô cœur, racine basse, ronde,

Pied du grand animal qu’on appelle le monde,

Chaste épouse du ciel, assuré fondement

Des étages divers d’un si grand bâtiment.

Je te salue, ô sœur, mère, nourrice, hôtesse

Du roi des animaux. Tout, ô grande princesse,

Vit en faveur de toi. tant de cieux tournoyants

Portent, pour t’éclairer, leurs astres flamboyants.

Le feu, pour t’échauffer, sur les flottantes nues

Tient ses pures ardeurs en arcades étendues.

L’air, pour te rafraîchir, se plaît d’être secous

Or d’un âpre Borée, or d’un zéphire doux.

L’eau, pour te détremper, de mers, fleuves, fontaines,

Entrelace ton corps tout ainsi que de veines.

Guillaume de Salustre du Bartas / La première Semaine, Le Troisième Jour.