« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

POISSON VOLE


 

 

À madame Roger Jacquotte,
Pentecôte 1954.

 

 

Douze éclairs

Ont, coup sur coup, jailli de la rivière,

Soit : douze rousses dans la boîte à pêche.

 

Fontaine inépuisable et de pleurs et de rires,

O peupliers, dont les ombres font pire

La profondeur de l'eau, laquelle se dépêche

Vers où et pourquoi donc ?

 

Et puis, soudain, d'entre les joncs,

Un poisson inconnu (*) : quelle joaillerie !

Nature, ô vivante mythologie !

 

Dans le cirque d'azur, un vol impérial,

Une buse !

Avant de choir, à l'Esprit-Saint elle s'amuse.

 

Eclatez et pivoines et coquelicots.

 

Sous les saules, là-bas, ma maîtresse s'abuse

En rêvant au retour de son beau caporal.

 

Cantate des crapauds ;

Dans les jeunes roseaux,

Les grenouilles espiègles…

La Seille vient et va, depuis des siècles !

 

Ah ! si je pouvais graver sur l'eau !

 

 

 

(*) Perche soleil

Robert Laverny / Poèmes inédits