« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Je ne danse pas


 

 

Je ne danse pas, je n’adore pas les statues

Qui sont d’or dehors et de sable dedans,

Je ne tope pas quand un type me tend la main,

Qui veut par derrière déchiqueter mon nom.

 

Je ne m’incline pas devant les jolis bouchers

Qui impudents étalent leur propre déshonneur ;

Je ne défile pas quand le peuple se serre

Devant les chars victorieux de ses vaines idoles.

 

Je le sais bien, il faut que le chêne succombe,

Pendant qu’au ruisseau le roseau aux courbettes oscillantes

Reste toujours debout dans le vent et la tempête.

 

Mais dites, que devient pour finir un roseau de ce genre ?

Quel bonheur ! il sert de bâton de marche au damoiseau,

Il sert de tapette à qui nettoie ses bottes.

Heinrich Heine / Le livre des Chants / Junge Leiden
Traduit de l'allemand par Claire Placial