« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

FLEUR FATALE


 

 

L'absurdité grandit comme une fleur fatale

Dans le terreau des sens, des cœurs et des cerveaux ;

En vain tonnent, là-bas, les prodiges nouveaux ;

Nous, nous restons croupir dans la raison natale.

 

Je veux marcher vers la folie et ses soleils,

Ses blancs soleils de lune au grand midi, bizarres,

Et ses échos lointains, mordus de tintamarres

Et d'aboiements et pleins de chiens vermeils.

 

Iles en fleurs, sur un lac de neige ; nuages

Où nichent des oiseaux sous sous les plumes du vent ;

Grottes de soir, avec un crapaud d'or devant,

Et qui ne bouge et mange un coin de paysage.

 

Becs de hérons, énormément ouverts pour rien,

Mouche, dans un rayon, qui s'agite, immobile

L'insconscience douce et le tic-tac débile

De la tranquille mort des fous, je l'entends bien !

Émile Verhaeren / les Soirs