« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

La mer phosphorescente


 

 

     La mer phosphorescente perle entre les arbres. Par les grands yeux des lémuriens crochés dans les plus hautes branches, l'âme des ancêtres regarde…

     Un pont grêle part comme une fusée, surplombe la lune ébréchée, porte trois voyageurs sur son dos d'âne et rejoint la falaise averse.

 

     Il commence à pleuvoir sur le golfe. Un nuage passe une ombre immense sur l'eau lourde et limoneuse. Une petite barque pagaye de tout son cœur…

     L'éclair ! Une fougère arborescente…    Or, entre les rocs, un Monstre aperçoit les trois voyageurs sur leur bât d'ombre. Autour des bords à pic d'un gouffre circulaire il écarte avec soin les plantes carnivores.. Il sort. Il pose sans hâte une énorme patte palmée sur la crête de la falaise en faisant pleuvoir des éclats de schiste..

     Et il laisse glisser le long de la paroi restée dans l'ombre, comme une coulée d'émail en fusion sort du creuset plein d'or, avec un bruit bien rond qui tourne et qui gronde…

Léon-Paul Fargue / Poèmes
Illustration : Portrait de Léon-Paul Fargue par Charles Camoin