« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE VIEILLARD AUTOMNE


 

 

Pourquoi donc le vieil automne va-t-il

Sanglotant parmi vignoble et courtil

Ce saturnien jumeau de Silène ?

Pourquoi siffle-t-il à perde haleine

L'acerbe refrain d'une cantilène

Qui glace les pins jusque dans l'aubier ?

L'hypocondriaque ! Il a du gibier ;

Il a du caillé, de l'huile et des laines ;

De gâteaux ambrés ses ruches sont pleines ;

Il a tous les fruits de tous les vergers ;

Il a mille beaux habits ramagés

Dont l'œil ébloui des sapins s'étonne,

Et, surtout, c'est lui le roi de la Tonne !

Que pleure-t-il donc ce vieillard Automne ?

Le vieillard Automne est soûl de son vin :

Or il a l'ivresse amère et la lie

Au lieu de Léthé lui cache un levain

Qui fait fermenter sa mélancolie.

Le printemps le hante ainsi qu'un remords ;

Il songe à tous les rosiers qui sont morts,

Et qu'il voudrait bien échanger sa trogne

Contre le minois d'un muguet aimé

Jadis par Flora sous le nom de Mai,

Et c'est ce qui fait pleurer cet ivrogne.

R. Périé / in La Couronne de Lierre (Poésie - Musique - Prose)