XXXIX COPLAS ÉLÉGIAQUES
Par domcorrieras, le dimanche 27 septembre 2020 - Poèmes & chansons - lien permanent
Malheur à celui qui arrive assoiffé
afin de voir l'eau s'écouler,
et qui dit : la soif que je sens
quand je bois n'est pas étanchée !
Malheur à celui qui boit et, sa soif
étanchée, méprise la vie :
monnaie au joueur prêtée,
qu'elle soit rendue au hasard !
Malheur au naïf qui soupire
sous l'ordre souverain,
et à celui qui songe, la lyre
pythagoricienne à la main.
Malheur au noble pèlerin
qui s'arrête pour méditer,
après un long chemin
dans l'horreur d'arriver !
Malheur à la mélancolie
qui se console en pleurant,
et de la mélomanie
d'un cœur d'opérette !
Malheur à notre rossignol,
si dans une nuit sereine
il guérit du mal d'amour
qui pleure et chante sans peine !
Et aux jardins secrets,
aux paradis rêvés,
et aux songes peuplés
de sages intentions !
Malheur au galant sans fortune
qui tourne, tourne au clair de lune ;
à ceux qui tombent de la lune,
à ceux qui s'envolent vers elle !
Malheur à qui n'a pas atteint
le fruit à la branche pendu ;
à qui dans le fruit a mordu
et savouré son amertume !
Et à notre premier amour,
à sa loyauté maltraitée,
et malheur aussi à l'amant
véritable de notre aimée !
Antonio Macahdo / Solitudes, Galeries et autres poèmes / Chansons
Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé
Illustration : Portrait d'Antonio Machado (1875 - 1939) par Joaquín Sorolla Bastida (1863 - 1923)