« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

OCÉAN DE TERRE


 

 

À G. de Chirico.

 

 

J’ai bâti une maison au milieu de l’Océan

Ses fenêtres sont les fleuves qui s’écoulent de mes yeux

Des poulpes grouillent partout où se tiennent les murailles

Entendez battre leur triple cœur et leur bec cogner aux vitres

                     Maison humide

                     Maison ardente

                     Saison rapide

                     Saison qui chante

         Les avions pondent des œufs

         Attention on va jeter l’ancre

Attention à l’encre que l’on jette

Il serait bon que vous vinssiez du ciel

Le chèvrefeuille du ciel grimpe

Les poulpes terrestre palpitent

Et puis nous sommes tant et tant à être nos propres fossoyeurs

Pâles poulpes des vagues crayeuses ô poulpes aux becs pâles

Autour de la maison il y a cet océan que tu connais

Et qui ne repose jamais

Guillaume Apollinaire / Lueurs des tirs