« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

BALLADE DES GRILLONS


 

 

À George Vicaire

 

 

 

Qu’un plus habile, dans ses chants,

Célèbre Hélène et Cléopatre,

Ou, par ses drames attachants,

Attire la foule au théâtre ;

Qu’un Gilbert ou qu’un Malfilâtre,

Moins sage que les oisillons,

A rimailler s’opiniâtre,

Moi, je chante avec les grillons.

 

Je m’en vais seul, à travers champs,

Admirant le lointain rougeâtre

Sous les feux des soleils couchants,

Ou bien le ciel rose et bleuâtre.

Dédaignant la foule idolâtre,

dans le sentier des papillons,

Amoureux, songeur ou folâtre,

Moi, je chante avec les grillons.

 

Les grillons ne sont pas méchants.

Ils ont un petit corps grisâtre.

Leurs airs sont naïfs et touchants.

Blottis sous le gazon verdâtre,

Ils font des trilles, quand le pâtre

Traverse en chantant les sillons,

Ou s’endorment au coin de l’âtre.

Moi, je chante avec les grillons.

 

ENVOI

 

Amis, ce chant un peu douceâtre

Ne me vaudra ni médaillons,

Ni palmes, ni coupes d’albâtre.

Moi, je chante avec les grillons.

Gabriel Marc / Poèmes d’Auvergne