« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Décembre


 

 

(Les hôtes)

 

 

— Ouvrez, les gens, ouvrez la porte,

je frappe au seuil et à l'auvent,

ouvrez, les gens, je suis le vent,

qui s'habille de feuilles mortes.

 

— Entrez, monsieur, entrez, le vent,

voici pour vous la cheminée

et sa niche badigeonnée ;

entrez chez nous, monsieur le vent.

 

— Ouvrez, les gens, je suis la pluie,

je suis la veuve en robe grise

dont la trame s'indéfinise,

dans un brouillard couleur de suie.

 

— Entrez, la veuve, entrez chez nous,

entrez, la froide et la livide,

les lézardes du mur humide

s'ouvrent pour vous loger chez nous.

 

— Levez, les gens, la barre en fer,

ouvrez, les gens, je suis la neige,

mon manteau blanc se désagrège

sur les routes du vieil hiver.

 

— Entrez, la neige, entrez, la dame,

avec vos pétales de lys

et semez-les par le taudis

jusque dans l'âtre où vit la flamme.

 

Car nous sommes les gens inquiétants

qui habitent le Nord des régions désertes,

qui vous aimons - dites, depuis quels temps ? -

pour les peines que nous avons par vous souffertes.

Émile Verhaeren / Les douze mois