PETIT POÈME INFINI
Par domcorrieras, le mercredi 10 juillet 2019 - Poèmes & chansons - lien permanent
Pour Luis Cardoza y Aragon
Se tromper de chemin
c’est rejoindre la neige
et rejoindre la neige
c’est paître durant vingt siècles les herbes des cimetières.
Se tromper de chemin
c’est rejoindre la femme,
la femme qui ne craint pas le jour,
la femme qui tue deux coqs en une seconde,
le jour qui ne craint pas les coqs
et les coqs qui ne savent chanter sur la neige.
Mais si la neige se trompe de cœur
elle peut rejoindre les vents du sud
et comme la rafale n’écoute pas les gémissements
il nous faudra encore une fois paître l’herbe des
cimetières.
J’ai vu deux douloureux épis de cire
qui enterraient un paysage de volcans
et j’ai vu deux enfants fous qui repoussaient en larmes
les prunelles d’un assassin.
Mais le deux n’a jamais été un chiffre
car c’est une angoisse et son ombre,
car c’est la guitare où l’amour se désespère,
car c’est la démonstration d’un autre infini qui n’est
point le sien.
C’est la muraille du mort
et le châtiment de la nouvelle résurrection sans fin.
Les morts haïssent le chiffre deux,
mais le chiffre deux endort les femmes
et comme la femme craint le jour
que le jour tremble devant les coqs
et que les coqs ne savent voler que sur la neige
il nous faudra paître sans relâche les herbes des
cimetières.
Federico García Lorca / Appendice
traduit de l’espagnol par André Belamich