« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ce temps où tu m’aimas


 

 

XCVI

 

 

Ce temps où tu m’aimas, je le sais, s’en ira

il sera remplacé par une époque bleue

et sur les mêmes os sera une autre peau,

ce seront d’autres yeux qui verront le printemps.

 

Pas un de ceux qui ligotèrent nos journées,

pas un de ceux qui s’adressaient à la fumée,

les gouvernants, les trafiquants, les éphémères,

ne s’agitera plus au cœur de cette toile.

 

Ils s’en iront les dieux cruels et leurs lunettes,

les carnassiers poilus accompagnés d’un livre,

les pucerons, avec les pipipasseyros.

 

Et quand le monde enfin viendra d’être lavé

alors de nouveaux yeux naîtront dans la fontaine

et le blé poussera sans que coulent les larmes.

Pablo Neruda / La centaine d’amour