RÊVE
Par domcorrieras, le dimanche 2 décembre 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Mai 1919
Je m’en allais, monté
Sur le dos d’un bouc.
Le vieillard me parla
En ces termes :
« Ceci est ton chemin.
— Celui-là ! cria mon ombre
Déguisée en mendiant.
— C’est cet autre, doré ! » dirent
Mes vêtements.
Un grand cygne me guigna
Et me dit : « Viens avec moi ! »
Tandis qu’un serpent mordait
Ma bure de pèlerin.
Les yeux au ciel, je pensais :
Je n’ai pas de chemin.
Les roses de la fin seront
Comme celles du commencement.
En brouillard se transforment
La chair et la rosée.
Ma monture fantastique m’emporte
Vers un champ rougeoyant.
« Laisse-moi ! » cria en pleurs
Mon cœur pensif.
Et je l’abandonnai à terre,
Plein de tristesse.
Vint
La nuit pleine de rides
Et d’ombres.
Et le chemin est éclairé
Par les yeux lumineux et bleutés
De mon bouc.
Federico García Lorca / Livre de poèmes