« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

printempsivement


 

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Au ventre mou 

un peu soupe au lait, 

oui à cette soupeaulaiterie nous

offrons des orages, des nerfs fatigués, 

trafiqués, des voix en quenouille, nos dimanches 

pressés par l’inquiétude, pis hop le verbe, le vin bourru

brouillon de cuisine ardente, avec de l’eau de vie de poème,

et si on bavassait moins de kônnerie, 

ah si on offrait chose de nous

autre que des kalachnikovs, choses d’encres 

pas meurtries en usine, chose qui sent 

bon le cœur, comme de la vie épargnée, 

de la vie partagée, oui la vie versée 

par le verbe extravagant d’amour, voici du rince-bouche, 

du mot parfumé, l’élan un peu réfréné mais qui 

explose soudain devant devient alors le Petit-prince 

ô ce vieux facteur resté en nous, le voici 

en lévitation soudaine, incapable de reprendre pieds, beau 

à toucher les anges, les anges qui n’existent que si 

on les loge dans un cœur immense, amoureuse aventure oui, 

comme un feu qui ronfle, comme un texte de feu 

qui fait théâtre et chemin de traverse et route praticable, 

pour du meilleur jour, pour de la bonne heure, et ce, 

malgré les mots très féroces, malgré le guili-guili 

fait dans le cou du diable, la Poste chaque jour 

que dieu fait elle mérite son va-au-Diable  !  nous reste 

le Soleil, estropié de naissance, qui roule fontaine et lumière

de béton comme la chapelle de Ronchamp, 

la rouspétance des poètes 

est un mauvais sort pour la sottise

de ceux qui mettent à l’étouffement la tarentelle, la fraternité,

la valse de Chopin et le chant d’oiseau … 

contre les caravanes de nos vannes qui expulsent les gitans

contre les propos de l’agonie

les mots gluant de marécagie  !

les perles rares de la jactance

leur mise à mots la langue des morts

leur langue de pute aux dents cassées

soudain, au beau milieu de la ruine-poussière

l’enfant se lève, salue sans besoin de coup d’éclat militaire

cette lumière apprise de lui-même  : j’y veux ça printempsivement,

oui pour l’ardeur du Printemps,

je m’ferai Poète  !

Claude Billon