« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Les Bugatti


 

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Dans les jardins picotés d’eau de pluie trois quatre bonshommes ventrus sont debout à palabrer N’ont rien perdu ça va la vie ?… vélomoteurs peugeot on travaillait chez Bugatti & le restant de la vie on n’y songeux pas Tant pis on prendreux comme ça viendra morosité ou maladie veuvage pourraient frapper qui (on n’en parle pas) piccolo & tabagie ?… quel truc va-t-il te pourrir la vie oh toi qui là-bas est encor plein d’ardeur tu laboures les poireaux les dahlias et jardinant chaque jour c’est ta destinée que tu sarcleras (recousant les mélancolies les bobos qu’on a toujours un peu sous la peau) quel individu n’a-t-il pas du chagriné car la vie ça fée pas de kadôs vous savez !!… En juillet l’ouvrier de chez Bugatti va organiser un pique-nique des jardiniers il invitera les copains portugais et aussi les marocains ils feront la bamboula jusqu’à tard dans la nuit avec des bocks de bière & des brochettes feu-de-bois Se raconteront des souvenirs du boulot & parfois entre soi glisseront des grivoiseries Ah si on pouvait même plus parler de ça il nous resterait quoi ?… Et la vendeuse disait que le temps gris la déprimait « ça me donne envie de dormir » Y a que les oiseaux qui dans mon jardinet mouillé sont à s’égosiller comme des alcoolos tyroliens, … j’les entends fenêtres fermées !…

Jean-Paul Klée / Manoir des mélancolies