LA MOTO
Par domcorrieras, le vendredi 3 février 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
Le jeune homme était là, étendu sur la route
Les bras en croix, tué, mort sur le coup sans doute.
Sa moto n’était plus qu’un amas de ferraille
Etalant tout au long du fossé ses entrailles.
Il m’avait doublé un instant auparavant
J’ai dû me rabattre pour le laisser passer.
On est seul au monde quand on dompte le vent.
A présent, sans crainte, il regarde le soleil,
Les lamelles d’argent ne peuvent le blesser
Et mon appel ne peut atteindre son sommeil.
Je lui ferme les yeux et lui ôte son casque.
Ses cheveux noirs, bouclés, tombent sur ses épaules.
Son front a frémi sous la bise qui le frôle
Il dort, oui, et la mort lui épargne son masque.
Je suis près de l’enfant, loin du temps et des villes
La paix me pénètre qui émane de lui.
Bel enfant de cuir noir, qu’il est doux ton sourire
Parfois si arrogant, à présent si tranquille.
Sur les ailes du vent apprend-on à mourir ?
J’envie ton sourire, petit, face à la nuit.
Je vous envie aussi, jeunes du temps présent
J’aime vous voir chevaucher vos fiers alezans.
Le monde est pétrifié, cloué dans sa torpeur
Comme une oie engraissée qui bouffe et qui a peur,
J’aime sous vos heaumes vos regards d’échassiers
Et le boucan grisant de vos poneys d’acier.
Soyez fiers et libres et terribles aussi
Dans ce monde trop vieux, de vieux moutons aveugles.
Vivez debout, jamais à genoux ou assis
Indifférents à ceux qui hurlent ou qui beuglent.
Je vous le dis, enfants, vous n’êtes qu’à vous mêmes
Et non à vos parents, non à la société
Ne leur ressemblez pas, vivez votre bohème
Buvez votre liberté jusqu’à satiété.
Libérez de votre corps des horizons cachés
Écrivez un nouvel et sublime évangile
Délivrez la terre des interdits débiles
Effacez du plaisir l’étiquette « péché ».
Scandalisez sans peur les rats de la paroisse
En libérant Eros de son cachot infâme
Tuez tous les tabous et vous tuerez l’angoisse
Libérez vos corps et vous sauverez vos âmes.
Mais pour toi bel enfant, la route est terminée.
Le soleil disparaît, il se voile la face.
Minuit sonne déjà en fin de matinée.
Tu es si beau, si jeune et mon âme est si lasse
Que j’aimerais, petit, m’endormir à ta place.
Jean-Paul Sermonte / Poèmes amoureux